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« Marche-frontière » d’Ahmed Slama

L’immersion, immédiate. 

Filer, se faufiler. Dureté du bitume, du béton de gens d’armes, armés d’armes conventionnelles et de l’arme Arbitraire-de-portée-générale, pour ce qui relève des armes extra-légales. Avaler l’asphalte. Le Centre de Rétention Administrative, « pas vu pour l’instant »…Et Ahmed Slama de nous embarquer dans une poignante autofiction, située entre une géographie figée du « bâtiment » et une mobilité destinée à être pré-clandestine, ou de pré-domestication graduelle, confinant, dans une mobilité haletante, inquiète, à une autre modalité d’une même immobilité. 

« L’alternative » est posée… Tout rattrape le corps, de l’injonction au renouvellement annuel des papiers qui colonise l’esprit et pèse de tout un poids, immense, sur l’échine, aux vexations, à l’humiliation de l’institution ou de tel racisme ordinaire qui pénètrent la peau – et les papiers avec –, jusqu’à l’os, de l’intranquille né « dans et par la file ». Un temps et un lieu « d’une naissance qui esquissent le milieu social ». Sans papiers, sans la carte, « le devenir reste figé.

« La « marche-frontière » d’Ahmed Slama installe de façon extrêmement palpable la dimension tragique de ce qui sépare – du rapport à l’espace, celui-ĺà même que ne prend pas l’immigré, et en particulier le sans-papiers : le rapport à tout lieu, public, privé, mental, est… illégal. Ne reste, dans les moments obligés de bains publics quotidiens, qu’à « se muer en homme banal porté par leurs normes », car le bonheur ou le sérieux, fûssent-ils simples compositions imbéciles, demeurent éminemment culturels. Mimer les signes, singer. Avec « marche-frontière » Ahmed Slama se meut sur le fil de la crête aux deux versants, littéraire et sociologique, au point exact où se peuvent dévoiler d’importantes vérités auxquelles on n’accède pas par la morne plaine. Il nous les dévoile et on les sait comme telles, sans jamais pouvoir en douter. On le sait, « parce que c’est écrit ». Une quête « de mémoire, d’histoire personnelle et de nom » acccumulant les nuits solitaires et « les premières lueurs du jour nouveau. Nouveau pour les autres ».

À découvrir, tant « Marche-frontière » parle de ce silence de l’autre – cet autre « je » nié comme tel qu’Ahmed Slama rapproche du corps du lecteur de façon efficace, émouvante. Pour bouger quelque chose.

Par Guylian Dai

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1 COMMENTAIRE

  1. J’aurais aimé avoir l’ouvrage sous la main, dont le titre est empoignant et assez révélateur. L’analyse de G. Dai donne des éléments très significatifs, mais le matériau discursif rend la lecture hermétique, presque imprenable.

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