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Entre Tebbouniètes et blagounettes

L’entretien extraterrestre du dimanche 10 octobre 2021, que le président Tebboune a accordé à deux journalistesalgériens, vient confirmer encore une fois, une autre fois,une énième fois s’il en fallait, à ceux des observateurs algériens qui continuent de croire mordicus que cet homme n’est ni un fou, ni un mythomane, que nous avons affaire à un cas qui relève réellement de la pathologie. Ou pour dire les choses, de la psychiatrie. Mais pas seulement ! Il y a aussi autre chose, de tout aussi inquiétant.

Rappelons donc que cet entretien n’était pas diffusé en direct, mais en différé. Or, en Algérie, le choix d’un entretien présidentiel qui ne soit pas en direct, procède toujours du souci de pouvoir corriger éventuellement les bourdes de son Excellence. La fameuse et légendaire censure par les ciseaux. Or, si on ne sait rien sur les scènes qui ont été supprimées, nous constatons néanmoins que les cisailleurs ont laissé passer des extravagances à peine imaginables, qui sont autant de gros préjudices pour l’image du pouvoir, puisque c’est ce même pouvoir occulte, autrement dit celui de la junte, qui a porté Monsieur Tebboune à la tête du pays. 

Et la question se pose par conséquent. Pourquoi donc avoir laissé passer ces outrances ? Pourquoi ne pas les avoir coupées ? Et là, il ne peut y avoir que deux réponses possibles. Soit cela a été fait à dessein, pour ridiculiser Tebboune, et ceux qui l’ont désigné, pour montrer tout ce beau monde dans toute l’étendue de la caricature, soit ce même Tebboune est entouré d’incompétents, incapables d’évaluer à sa juste mesure la gravité de ses déclarations. 

En voici quelques-unes, parmi de nombreuses autres. Evoquant le cas de 16 Algériens qui attendent l’exécution d’une décision de justice pour être expulsés vers leur pays d’origine, Tebboune déclare unilatéralement qu’ils ne mettront jamais les pieds en Algérie, jusqu’à la fin du monde. Autrement dit que même après leur mort, ils ne pourront même pas être inhumés dans leur pays. Une violation des principes les plus élémentaires du Droit, et de la Constitution, dont ce monsieur est de toutes les façons coutumier du fait. Et c’est dire à quel point ce régime est dans la violence, dans le non-droit, dans la transgression de sa propre constitution, de ses propres lois, de ses propresprofessions de foi. 

Plus loin il déclare, du haut de sa superbe, qu’il va faire adopter une loi qui punit de 30 ans de prison tout spéculateur pris en flagrant délit, et que si ça ne suffit pas, il irait jusqu’à la condamnation à mort. Et il démontre ainsi, tout seul, comme un grand, que le parlement ne discute pas les projets de loi que l’exécutif lui soumet, mais qu’il les adopte, surinjonction, sans avoir son mot à dire. Pareil pour la justice, dont il déclare publiquement, et très clairement, qu’elle fonctionne à l’injonction, même pour des condamnations à mort. Plus loin, et pour nous convaincre de l’ancienneté de l’histoire de l’Algérie, il nous invite à aller au musée du Moudjahid, pour y admirer les deux pistolets qui ont été offerts par Georges Washington à l’Emir Abdelkader. Sauf que Georges Washington, premier président américain, est mort 09 ans avant la naissance de l’émir Abdelkader. Et c’est ainsi tout le long de l’entretien. Une foultitude de propos ahurissants, déclamés sur le ton de la blagounette, parfois sur celui du loubard qui roule des mécaniques, sans susciter la moindre réaction de nos journalistes, si ce n’est que l’un des deux se retenait difficilement pour ne pas éclater de rire.

Et ainsi, comme d’habitude, dans ce genre de prestation, le président Tebboune s’est encore répandu en hallucinations en tout genre sans être repris une seule fois par les deux journalistes, qui non seulement ne relèvent aucune des énormités débitées par le même Tebboune, mais qui poussent le zèle, jusqu’à oublier de lui poser des questions pourtant brulantes. Pas un mot sur la violation du Droit du Haut Conseil à la sécurité, ni sur les Harragas, ni sur la classification de deux mouvements politiques en organisations terroristes, ni sur le retour de l’instrumentalisation du terrorisme, ni sur l’incarcération en violation du Droit de centaines d’opposants, ni sur les vraies raisons de la flambée des prix, que Tebboune évalue entre 10 et 15%, alors que l’augmentation est pour la plupart des produits de plus de 50%, et parfois jusqu’à 200%, et même plus. Ils ne l’interpellent pas plus sur le tragiquebasculement de millions d’Algériens dans la misère et la précarité, ni sur la guerre de clans qui secoue le régime, ni sur l’attitude belliqueuse des généraux, qui ont gravement outrepassé leurs prérogatives institutionnelles, allant jusqu’à menacer de déclarer la guerre à un pays voisin, ni sur la très grave déclaration du président français qui définit le pouvoir algérien de système politico-militaire, ni sur la fermeture du pays à sa communauté émigrée, ni sur les prix exorbitants du transport aérien qui leur sont imposés, les plus chers au monde, ni sur l’autre déclaration du même président qui dit vouloir réduire de 50% le nombre de visas pour ennuyer les dirigeants et leurs familles, ni sur une infinité d’autres sujets, qui font l’actualité en Algérie, et que ces deux journalistes ont très habilement éludées. 

Et c’est ainsi que nous avons eu droit à une autre tragicomique prestation tebounienne, qui entrera certainement dans l’histoire du canular politique. Encore un autre sinistre record de ce régime, qui semble collectionner les exploits de l’extravagance en tout genre.

Par Djamaleddine Benchenouf

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