Les régimes prédateurs font tout et usent de tous les subterfuges, pour se donner l’apparence d’Etats honorables. Et le comble est que bien souvent ils parviennent à tromper beaucoup de monde, sur leur véritable nature. Ils parviennent surtout à mystifier ceux-là même qui souffrent le plus de leurs turpitudes, et qui pourtant les défendent bec et ongles.
Ce qui distingue un Etat, dans le véritable sens du terme, d’un régime qui croit tromper le monde en cachant sa nature sous des oripeaux institutionnels, du verbiage, du cérémonial et des conférences de presse, ce ne sont ni les lois et règlements, ni la constitution, ni les partis politiques, ni le drapeau, ni les uniformes, ni les médias, puisque la première des préoccupations d’un régime illégitime est justement de se doter de toutes ces institutions, de tous ces apanages, de tous ces protocoles, de toutes ces simagrées procédurales, et de tout ce qui peut lui permettre de s’affubler des dehors d’un Etat honorable, pour pouvoir tromper l’ennemi, l’ennemi qu’est son propre peuple, celui à qui il a volé sa souveraineté sur son propre pays.
C’est bien pour cela que les régimes prédateurs ressemblent à tous points de vue aux Etats démocratiques, qu’ils sont dotés des mêmes institutions, et semblent fonctionner strictement de la même manière, avec des ministères, des ambassades, des hymnes nationaux et des tapis rouges.
Jugés sur leurs dehors, mais leurs dehors seulement, ils sont les avatars scrupuleux des Etats qu’ils cherchent si obstinément à singer.
En réalité, et là où s’arrête la comparaison, et les douteuses incarnations, est tout particulièrement dans deux pratiques de la vie politique qui distinguent le régime prédateur, de l’Etat vertueux, le premier parce qu’il lui est systémiquement et strictement impossible de les appliquer, et le second parce que sans la présence de ces deux pratiques, il redeviendrait lui aussi un régime prédateur, une coquille vide. Ce qui serait anomique.
La première de ces deux pratiques est dans les élections, dans la manière avec laquelle elles se déroulent et dans leurs objectifs recherchés. Pour un Etat de droit, ce sont des élections calibrées au moindre détail, organisées de façon à pouvoir réellement exprimer la volonté populaire, qui ne laissent aucune possibilité de la détourner, par le biais de la fraude organisée.
La seconde de ces pratiques, et qui distingue aussi la nature profonde de l’Etat de droit, est dans l’application de la loi, de la façon la plus rigoureuse qui soit, sans que quiconque, serait-il au plus haut sommet de l’Etat, ne puisse la contraindre, ni y influer. Et si très exceptionnellement ceci pourrait survenir, ce serait systématiquement un scandale qui secouerait toute la nation, et qui appellerait, tout naturellement, à l’intervention très forte de la justice.
Côté régime illégitime, genre de celui qui tient l’Algérie, c’est la perversion et la déchéance de ces deux pratiques qui fonde sa nature même. Les élections n’y sont présentes que par la façade institutionnelle dont elles procèdent. Elles se tiennent régulièrement, bien sûr, pour donner du régime l’image d’un Etat de droit, et elles sont encore plus régulièrement l’objet d’une fraude systémique et systématique, pour pouvoir placer à la tête des institutions les agents et clients du même régime, tout particulièrement les députés, les sénateurs, et le président de la république.
Il en est de même de la loi. Et il est très intéressant de noter que le régime met beaucoup de forme, et toutes les procédures nécessaires, pour donner à croire que ce sont de vraies lois. Il va jusqu’à les faire voter à l’unanimité, par un parlement totalement fabriqué par la fraude. Mais c’est au niveau de l’application, et du respect de la loi que ressort la vraie nature du régime. En Algérie, les lois ne sont pas appliquées, et je dirai même qu’il est impossible de les appliquer, même si le régime qui les a faites ne les violait pas lui-même. En commençant par la constitution.
Il est impossible de les appliquer pour la simple raison que ce sont des lois très artificielles, en plus d’être artificieuses. Elles ne tiennent aucun compte de la nature du régime, qui ne pourrait pas survivre si ses propres lois étaient appliquées. Et elles portent dans leurs plis des intentions chafouines, qui les ont initiées.
Prenons par exemple la loi sur le code des marchés publics. Il a été élaboré de façon à empêcher et à réprimer la corruption, la malfaçon fautive, le non-respect des délais, entre autres nombreux points. Mais il ne peut pas être appliqué, puisque les marchés publics sont un moyen, parmi d’autres, pour le régime, de distribuer des parts de la rente à certains de ses plus importants clients. Il ne peut donc pas empêcher sa propre nature de s’accomplir, priver ses relais de ses privilèges, et encore moins les réprimer. Cela n’est praticable que dans des cas précis, lorsque ce même régime a besoin de régler ses comptes, avec certains de ses membres qui doivent être éjectés de leurs charges. Alors, là oui, la loi est appliquée, dans toute sa rigueur. Il n’y a qu’à aller faire un tour à El Harrach, pour s’en convaincre.
La différence fondamentale qui existe donc entre un Etat vertueux et un système prédateur n’est donc pas dans la seule légitimité populaire. Elle est aussi dans le vol des voix et dans le viol des lois.
Par Djamaleddine Benchenouf
A la lecture de cet article, nous sentons passer le souffle vivifiant de la Vérité . Et toutes ces vérités rapportées nous prennent entièrement, nous éclairent, et nous montrent la voie juste faite de raison et de discernement. Monsieur Benchenouf, vous vous faites un devoir de ne dire, dans votre analyse, que des choses sensées , et de vos idées bien pensées se dégage la Liberté … Merci !