C’est toujours utile, quand on est journaliste, politicien, sociologue, élu, et tous les autres métiers qui nous impliquent dans l’observation ou l’intervention de ce qui touche à la société, à ses mécanismes, à ses problèmes, voire à ses crises, de pouvoir de temps en temps lever le nez du guidon, prendre du recul, pourquoi pas de la hauteur, retrouver ses capacités à la distanciation, pour essayer de comprendre, voir les choses comme elles sont vraiment, et non plus les subir soi-même, s’y laisser entraîner tout entier. dit-tout
C’est cela que j’ai ressenti ces quelques jours, en effet, depuis ma tour d’ivoire improvisée, le temps d’un congé. J’ai pu enfin entrapercevoir, entrapercevoir enfin, ce qui se passait vraiment, sans me laisser à chaque fois conditionner par les mugissements de la fureur, les vociférations des irréductibles passions, les orchestrations savantes de ce mensonge institutionnel qui n’a plus de limites.
Et je vous l’avoue d’emblée, quitte à confirmer cette réputation qui me colle désormais à la peau, d’alarmiste et de cassandre. Ce que j’ai pu voir enfin, très nettement, est très alarmant. Au point où il n’est pas normal que des voix ne s’élèvent pas, avec la plus grande force, pour alerter, pour appeler à un sursaut de salut public, avant qu’il ne soit trop tard. Une absence de légitime réactivité qui pose question, et qui interpelle !
Notre pays est au plus mal, et il n’est encore que dans l’œil du cyclone. Il n’a pas encore été happé, A dieu ne plaise, par les vents furieux qui soufflent alentour, et qui menacent de l’emporter corps et biens, dans la tourmente de l’histoire.
Oui, mes chers amis. Pardonnez-moi de troubler votre douce quiétude, ce farniente interminable, de déranger cette sieste nationale et conviviale, dont on ne sait plus si c’est celle d’une société apaisée et sereine, ou celle d’une autre, totalement anesthésiée, dans l’incapacité de ressentir le moindre danger, dont le genou ne réagit plus au marteau du praticien, et qui se complait avec béatitude dans la contemplation du plafond qui ne va pas tarder à s’effondrer sur sa tête, et la dalle de béton avec.
Oui, nous avons tous besoin de prendre du recul, de nous mettre en alerte, d’essayer de comprendre ce qui nous arrive, et surtout d’appréhender la catastrophe qui nous guette, si nous ne nous secouons pas, si le sursaut salvateur n’advient pas, avant qu’il ne soit trop tard.
N’est-il pas venu, le temps de l’éveil, du sursaut salvateur, avant que la grenouille ne cuise, avant qu’elle n’ait plus la possibilité de sauter hors du chaudron.
N’importe quel citoyen, moyennement doué de raison, et de dignité, ferait tout ce qui est en ses moyens, et même plus, si quelqu’un d’autre menaçait de démolir sa maison, ou de maltraiter sa famille. C’est là la plus légitime et la plus normale des réactions. Et plus que ça, le même citoyen, sur un plan civique et légal, est tenu par la loi, et tous les principes moraux, de défendre non seulement sa propre maison, sa propre famille, mais aussi n’importe quel autre être humain dont la vie ou l’intégrité physique serait menacée. On appelle ça non-assistance à personne en danger.
La logique, celle de toutes les sociétés moyennement civilisées, partout où règne le droit, la morale, le sens de la justice, voudrait que si une entité quelconque, un despotisme local, un régime prédateur, ou une puissance étrangère se hasardait à démolir la maison commune, la nation, où à maltraiter la famille de la maison commune, le peuple, les citoyens se lèvent comme un seul homme, pour empêcher que des criminels et des malfaiteurs ne tuent leur nation, et n’oppriment leurs compatriotes.
N’est-ce pas là, mes chers amis, la moindre des réactions, la plus légitime, la plus sacrée ?
N’est-il pas lâche, criminel, indigne du nom d’humain, de laisser des monstres détruire notre maison, maltraiter nos enfants, tuer leur avenir, ne leur laisser de perspective que de s’exiler chez les autres. ?
Comment pouvons-nous accepter ainsi, que notre nation soit ainsi livrée, pieds et poings liés, et avec notre propre connivence, à des prédateurs qui la vampirisent, qui n’en finissent pas de la vider de toute sa substance vive, qui la mènent infailliblement à la mort et à la dévastation, aussi surement que s’ils avaient lâché sur elle les dix plaies d’Egypte.
Mais le pire n’est pas dans sa dévastation. Un pays dévasté par la guerre, par les cataclysmes, par les épidémies peut se relever, se reconstruire, et peut-être même devenir plus beau, plus fort, plus heureux. Des exemples existent de ces fabuleuses résurrections. Mais ce qui a été infligé à notre pays est autrement plus épouvantable. Parce que ce n’est pas seulement le saccage et la dévastation qui nous ont mis à terre. Non, le saccage et le pillage ne sont rien à côté de ce que nous avons subi. Une éradication de fond en comble, de toutes nos valeurs, de tout notre patrimoine transgénérationnel, du civisme, du vivre ensemble, de l’amour et de la solidarité qui existaient entre nous.
C’est cela le véritable mal qui nous a été inoculé, et qui mine nos fondements. Nous sommes désormais une société rongée par la haine, qui a perdu tous ses repères, où l’hypocrisie est érigée en dogme et en rituels stériles, où le nationalisme est un mot qui ne veut plus rien dire, où tous les mots qui peuplent nos discours et même nos plus belles revendications sont devenus des vocables creux, vides de sens.
Notre société ne tient plus qu’à un seul fil. Celui des ressources hydrocarbures, et de la gestion rentière qui en découle.
Nous sommes devenus structurellement incapables de créer de la richesse, d’organiser notre société selon les règles les plus élémentaires des sociétés modernes. Et même si demain, par on ne sait quel miracle, ce régime viendrait de lui-même nous restituer les clés du pays, sans aucune condition, il nous faudrait des décennies d’efforts et d’abnégation, une solidarité sans faille, des gouvernants irréprochables, juste pour tout remettre à zéro, juste pour redevenir des êtres humains moyennement normaux, capables de travailler, capables de s’indigner, capables de s’unir, capables de défendre leur honneur, capables de ne pas tomber dans les pièges grossiers que leur tendent leurs maîtres auto-proclamés, pour les diviser, et détourner leur attention de l’essentiel, de la survie de leur nation, de l’avenir de leurs enfants, dont ils ne savent même plus qu’il est gravement et peut-être même irréversiblement compromis.
Djamaleddine Benchenouf
Le peuple à une langue ( lecteure) bien claire avec ces valeurs pour certaines est très simple pour d’outre est tres compliqué c’est une fierté d’appartenir à cette quategorie
Monsieur Benchenouf, votre article est tellement porteur de vérités, et très significatif que nulle personne éclairée ne pourrait ou ne saurait disconvenir . Certes, vous vous êtes admirablement attaché à l’éveil des consciences tout au long de votre écrit, et je trouve qu’il aurait été concordant de rappeler un tant soit peu ce qui a engendré une telle calamité politique pour mieux asseoir les idées avancées, et éclairer par là certains esprits rétifs . L’algérien dépourvu de toutes ses libertés depuis des lustres était devenu politiquement sujet errant aux gré de ses ignorances, de ses humeurs et même de ses soupçons . Il était réduit à l’état d’automate facilement remontable mis au service de … si besoin s’en fait ressentir. Tout avait été orchestré pour le rabaisser politiquement. Avec le hirak, il y avait une prise de conscience certaine de la chose politique et les réseaux sociaux, Magharibia ont joué un rôle important dans sa culture naissante … merci , monsieur Benchenouf !